Qu’est-ce que la culture juive ?

Par Rav David Messas, Grand Rabbin de Paris

Paru dans le journal Actualités Juives N° 1170 du 6 juillet 2011


Un Rabbin vient d’être nommé dans une communauté. Pour son premier discours, il annonce à son auditoire : « Je vais vous parler du Chabbat ». Le Président l’interrompt : « Pas le Chabbat, monsieur le Rabbin, personne ne le respecte ». « Soit, dit le Rabbin, je vous parlerai de cacherout ». Et le Président : « Personne ne mange cacher ! » Le rabbin tente taharat hamichpaha et téfila ; même réaction du Président. A bout d’arguments, le rabbin demande : « Monsieur le Président de quoi voulez-vous que je parle ? » et le Président : « mais de judaïsme ! »


Les Pirkey Avot enseignent : « Considère trois choses et tu ne fauteras pas : sache d’où tu viens, où tu vas et devant Qui tu devras rendre des comptes ». Quand l’homme prend conscience que sa vie possède un sens spirituel, il parvient à dépasser le pessimisme existentialiste pour agir face à D., source de toute vie.


Pour le judaïsme, ce rapport à D. se présente dans un rapport au Créateur, à la Torah du Sinaï, et dans un choix de vie selon les modalités de cette révélation. Dès lors, tous les aspects de l’existence sont englobés par ce choix, l’intellect, l’affectif, la praxis. En suivant le chemin de D., le croyant choisit la vie contre la mort, le bien contre le mal, parvenant à gérer ses désirs. On peut dire que la Torah propose une voie juste qui équilibre le désir particulier et la vocation spirituelle.


Certes le judaïsme, à travers sa longue histoire et ses diasporas ne peut nier la dimension culturelle de sa foi. Les rites ont reçus des influences sociales, esthétiques, culinaires, liturgiques, vestimentaires, etc., mais tous ces aspects sont des écorces qui protègent le fruit ; le fruit étant la recherche sincère de D.  qui conduit à l’espérance en D.


Comme dans mon historiette, certains voudraient réduire le judaïsme à une morale humaniste. La solidarité, le souci de l’autre sont de nobles valeurs, mais elles ne peuvent mener à une authentique transcendance ; tout au plus à une satisfaction du devoir accompli. Cet humanisme n’est rien face à cet appel divin qui nous conjure de respecter le programme de sainteté énoncé par la Torah, et à cette réponse d’Israël « nous ferons et nous accomplirons » qui ouvre non seulement sur une transformation de ce monde, mais sur le monde de l’éternité.