Historique

Une histoire des communautés juives de France


Faisant suite à l’Assemblée des notables (1806) et aux décisions doctrinales du Grand Sanhédrin (1807) qui confirment la compatibilité du judaïsme avec le Code Civil, l’organisation du culte israélite devient effective avec les décrets impériaux des 17 mars et 11 décembre 1808. Pour la première fois dans l’histoire européenne, le judaïsme est reconnu comme religion.


Désormais une synagogue et un consistoire seront établis dans chaque département où résident au moins 2 000 israélites. A la tête de chaque consistoire, un grand rabbin assisté de laïcs (tous agréés par le ministère des Cultes) assurera l’instruction religieuse des fidèles tout en veillant à leur régénération, soit à leur intégration sociale et économique. Dès le 11 décembre 1808, sept consistoires départementaux sont créés avec le Consistoire central qui siège à Paris et est chargé d’aider et surveiller les circonscriptions ainsi que d’assumer le bon fonctionnement du rabbinat.

Malgré la chute du régime impérial, l’organisation consistoriale est maintenue avec la garantie de la liberté des cultes (sénatus-consulte du 1er avril 1814) et le versement des traitements aux ministres du culte israélite sous Louis-Philippe (loi du 8 février 1831). Ainsi, le judaïsme devient enfin l’égal des autres religions en France. Pourtant, avec l’ordonnance du 25 mai 1844, le culte israélite est à nouveau réglementé. Les pouvoirs du Consistoire central sont renforcés avec pour fonction essentielle de veiller aux intérêts du culte. Le grand rabbin du Consistoire central conserve ses prérogatives (délivrance des diplômes rabbiniques et droit de censure sur les autres rabbins) même si les laïcs sont davantage représentés.

Lorsque la colonisation de l’Algérie se concrétise, l’ordonnance royale du 9 novembre 1845 permet la création de trois consistoires départementaux dans les provinces d’Alger, de Constantine et d’Oran. Sur le même modèle des consistoires métropolitains, un judaïsme « à la française » est imposé aux Juifs d’Algérie, non sans réticences et il faudra attendre le premier conflit mondial pour que l’émancipation entière des israélites de la colonie soit admise.

Le Consistoire central évolue ainsi au gré de l’histoire nationale. Tandis que la population juive d’Alsace émigre vers Paris, Lyon et Marseille, de nouvelles circonscriptions consistoriales apparaissent : Saint-Esprit-les-Bayonne (1846) et Lyon (1857). Avec la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine en 1871, les réfugiés s’installent dans de nouveaux lieux ce qui oblige le Consistoire central à créer d’autres consistoires départementaux : Lille (1876), Besançon (1881) et enfin Epinal (1896).


Durant l’affaire Dreyfus, par l’intermédiaire du grand rabbin Zadoc Kahn, le Consistoire central soutient discrètement le capitaine. Sans se mêler directement aux affaires de la République, il conserve un regard avisé sur les événements qui se profilent à l’horizon. Aussi, lorsque la loi sur la Séparation des cultes et de l’Etat est promulguée le 9 décembre 1905, le Consistoire central a déjà tout prévu. Devenant l’Union des associations cultuelles israélites de France et d’Algérie, le Consistoire central conserve son organisation pyramidale avec les principes de la centralisation. Les nouveaux statuts, confirmés par ailleurs en mars 1939, définissent les rôles prédominants du Conseil et du grand rabbin devenu désormais grand rabbin de France. Seuls les consistoires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle conservent leurs statuts concordataires (loi du 1er juin 1924).

Installé dans la Cité, dévoué à l’idéal républicain, le Consistoire central va être affecté par la Grande Guerre. Afin d’assurer les services religieux aux combattants israélites qui se trouvent sur tous les fronts (des Flandres aux Dardanelles) et dans toutes les armes, l’institution délègue vingt-huit aumôniers auprès des régiments où les israélites sont les plus nombreux (notamment dans la Légion étrangère et les Zouaves). Des élèves du Séminaire israélite de France sont mobilisés dont le futur grand rabbin de France Jacob Kaplan. A cet effet, le Consistoire central publie un recueil de prières : La Tefila du Soldat (rééditée en 1939). Quatre rabbins et élèves trouvent la mort au cours du conflit, notamment le grand rabbin de Lyon Abraham Bloch, décédé des suites de ses blessures après avoir apporté un crucifix à un soldat catholique agonisant.

Au cours des années vingt, la communauté se transforme avec la venue de Juifs venus de Pologne, de Roumanie et, à partir de 1933, d’Allemagne et d’Autriche. De nouveaux lieux de culte sont créés dans les grandes villes sans pour autant bouleverser l’institution consistoriale même si les tenants de l’israélitisme tiennent à ce que le judaïsme consistorial ne soit pas influencé par des traditions venus de l’Est. Toutefois, les événements internationaux perturbent la quiétude du Consistoire central. La montée du nazisme mais aussi la violence antisémite qui sévit en France avec le Front populaire, l’abdication des démocraties lors de la conférence de Munich puis la déclaration de la guerre en septembre 1939 mettent un terme à aux espoirs et …aux illusions.

Dès 1938, le Consistoire central a prévu la guerre. Déjà, il présente aux autorités publiques la liste de ses aumôniers qui participeront activement à la « drôle de guerre ». Avec la débâcle et la défaite, l’institution se réfugie un temps à Bordeaux puis se fixe à Lyon tandis que le grand rabbinat reste dans la proximité du gouvernement de Vichy. Durant quatre années, le Consistoire central va poursuivre un rôle d’assistance et de réconfort auprès des réfugiés d’Alsace et de Lorraine, des Juifs étrangers et français internés dans les camps, des familles disséminées dans les villages, soutenir les divers mouvements de jeunesse tout en intervenant sans cesse auprès du régime de Vichy pour soulager le sort des israélites même si ses doléances ne sont guère entendues tant par le maréchal Pétain que par Xavier Vallat chargé du Commissariat général aux Questions juives. A partir de l’été 1942, au moment où les déportations deviennent effectives, les illusions des rabbins et des notables s’effondrent. Une année plus tard, le 28 octobre 1943, le président Jacques Helbronner est arrêté puis déporté. Fin 1943, le Consistoire central est en pleine débâcle. Conscient du danger, le grand rabbin de France Isaïe Schwartz décide la fermeture de toutes les synagogues. Les dirigeants communautaires et les rabbins savent que chaque Juif est devenu l’otage de la logique allemande d’extermination, soutenue d’ailleurs par la milice et la police française. A la fin de l’Occupation, le bilan est lourd pour le Consistoire central : dix-neuf rabbins et ministres officiants morts en déportation ou en résistant, sans oublier le président Helbronner et de nombreux administrateurs.

A la Libération, le Consistoire central qui fédère près de 75 associations cultuelles en métropole et en Algérie doit atténuer les plaies du judaïsme. A cet effet, il mène une campagne active auprès de la jeunesse pour lutter contre l’indifférence religieuse, réintègre au plus vite les israélites qui s’étaient convertis pendant l’Occupation et soutient activement les petites communautés profondément bouleversées par la guerre. Avec la création de l’Etat d’Israël en 1948, il se rallie désormais au projet sioniste.

La décolonisation, survenue au cours des années cinquante en Egypte, au Maroc et en Tunisie, et surtout l’arrivée en France de près de 120 000 Juifs algériens dès 1962, permet à l’institution de connaître une vitalité qui ne s’était pas produite depuis 1871. De nouvelles communautés apparaissent tant dans la région parisienne que sur la Côte-d’Azur. Le Sud-Ouest ainsi que l’Alsace et la Lorraine bénéficient aussi de ce nouvel apport de fidèles. Avec d’autres institutions, le Consistoire central participe à l’intégration des israélites et, à la fin des années soixante, toutes les régions de France possèdent des centres communautaires et cultuels.

Forte aujourd’hui d’environ 550 000 âmes, la communauté juive de France est la plus structurée et la plus active en Europe. Avec seize sections régionales et consistoires départementaux, de l’Alsace à la Martinique, le Consistoire central demeure fidèle à sa vocation et veille aux intérêts religieux du judaïsme.



LES GRANDS RABBINS DE FRANCE ET DU CONSISTOIRE CENTRAL

David SINTZHEIM (1809 – 1812)

Abraham de COLOGNA (1809 – 1826)

Emmanuel DEUTZ (1810 – 1842)

Marchand ENNERY (1846 – 1852)

Salomon ULLMANN (1853 – 1865)

Lazare ISIDOR (1866 – 1888)

Zadoc KAHN (1889 – 1905)

Alfred LEVY (1907 – 1919)

Israël LEVI (1920 – 1939)

Isaïe SCHWARTZ (1939 – 1952)

Jacob KAPLAN (1955 – 1980)

René Samuel SIRAT (1980 – 1987)

Joseph SITRUK (1987 – 2008)

Gilles BERNHEIM (2008 – 2013)

Haïm KORSIA (2014)





LES PRESIDENTS DU CONSISTOIRE CENTRAL

David SINTZHEIM (1809 – 1812)

Abraham de COLOGNA (1812 – 1826)

Olry WORMS de ROMILLY (1826 – 1843)

Adolphe CREMIEUX (1843 – 1845)

Max CERFBEER (1846 – 1871)

Alphonse de ROTHSCHILD (1873 – 1911)

Edouard de ROTHSCHILD (1911 – 1940)

Jacques HELBRONNER (1940 – 1943)

Léon MEISS (1944 – 1949)

Guy de ROTHSCHILD (1949 – 1962)

Louis KAHN (1963 – 1967)

Alain de ROTHSCHILD (1967 – 1982)

Jean-Paul ELKANN (1982 – 1992)

Jean-Pierre BANSARD (1992 – 1994)

Jean KAHN (1995 – 2008)

Joël MERGUI (2008)