Assumons tout notre héritage par Joël Mergui


 

De génération en génération, les juifs ont perpétué leur héritage reçu au Mont Sinaï. Cette transmission ininterrompue a fait de chaque juif le dépositaire d’un patrimoine commun, fondateur de l’identité juive. Sur terre et non au ciel, destiné à des hommes et non à des anges, ce patrimoine  -corpus de lois, de valeurs, de règles et d’enseignements- est pourtant inséparable de son expression concrète ancrée dans la réalité de tous les jours.


Ainsi, Ies synagogues permettent à chacun de vivre les grandes étapes du calendrier juif et de sa vie personnelle. Les mikvaot  appliquent les lois de pureté familiale et de cacherout. Les Talmudei Thora éduquent nos enfants. L’école rabbinique forme les rabbins tandis que nos disparus sont inhumés dans nos cimetières, de sorte qu’en apparence immatériel, ce patrimoine est indissociablement matériel.


Dans la mesure où  ce qui affecte le concret n’est pas sans conséquence sur la transmission et la pérennité du judaïsme, il était primordial de veiller à ce que le patrimoine juif de France soit également sauvegardé, entretenu et sécurisé pour que nos communautés puissent continuer de pratiquer au quotidien un judaïsme vivant et ouvert sur l’avenir.


C’est la raison pour laquelle, le Consistoire -dont la mission consiste à assurer la continuité du judaïsme français-, s’est donné pour tâche de veiller à la conservation de l’ensemble du patrimoine juif de France en se dotant de structures et d’outils performants pour donner aux communautés les moyens de se pérenniser et de réaliser leurs projets.


En cette veille de fêtes propice aux bilans et à l’introspection, il me paraît indispensable de nous interroger sur ce que nous avons fait de notre héritage. Nous sommes nous contentés égoïstement d’en profiter sans nous soucier de savoir ce que nous allions transmettre à nos enfants ? Ou bien nous sommes nous montrés dignes et responsables de ce qui nous fut transmis en choisissant d’assumer notre part et notre rôle dans la longue chaîne de transmission ? Avons-nous fait fructifier notre héritage, contribué  à  rétablir l’équilibre entre petites et grandes communautés ?


Nous sommes issus d’une génération ayant payé un lourd tribut à l’antisémitisme. Ce que ni la violence ni la haine ne sont parvenues à obtenir -à savoir la disparition du judaïsme- nous devons prendre garde de ne pas y aboutir par la seule faute de notre indifférence, de l’oubli de nos valeurs ou de l’abandon de notre patrimoine. Rempart contre nous-mêmes, la beauté du judaïsme devrait nous permettre de garder plus que notre identité, notre âme.

(Extrait du journal Actualité Juive n°1176 du 15 septembre 2011)