Voilà pourquoi nous espérons avec confiance, par Joël Mergui

En déposant ensemble le 8 mai dernier, une gerbe en mémoire du Soldat inconnu au pied de l’Arc de Triomphe – deux jours après le résultat des élections présidentielles et 72 ans après la défaite du régime nazi – , Nicolas Sarkozy et François Hollande ont offert à la France et au monde l’image concrète d’une République pérenne et forte au delà des divisions, des hommes et des changements.

Cette image exemplaire grandit chaque Français, chaque citoyen, chaque républicain et chaque démocrate de par le monde. Si elle a tant frappé les esprits, c’est qu’elle possède la force du symbole dont la France, patrie des Droits de l’Homme possède le secret, alliant  une sorte de grandeur historique aux destins individuels.

Lors du rituel républicain de la passation de pouvoir,  une page se tourne en même temps que l’histoire se déploie sous nos yeux. Dans la solennité du moment, la continuité historique se tisse patiemment. Au cours des siècles, les idéaux de justice, d’égalité, de liberté et de fraternité constituèrent “une certaine idée de la France”.

En ces temps troublés et en quête de repères, la permanence des valeurs fondatrices de   notre pays porte les espoirs de toute la communauté nationale et, parmi ceux-ci, les espoirs de la communauté juive,  durement éprouvée par l’attentat antisémite de Toulouse.

Si, comme l’a rappelé lors de son premier discours officiel, le nouveau Président de la République M. François Hollande, la France est un grand pays, c’est qu’elle a toujours su surmonter les épreuves en restant  dans l’ouverture et non dans le repli. C’est parce qu’elle a su unir et inclure dans une même communauté de destin et donc de valeurs, la diversité des individus et des communautés qui la composent, que nous, juifs français qui formons la plus petite des minorités nationales, continuons de faire confiance en la France qui porte  nos espoirs citoyens.

La France et l’Europe ont effectivement besoin de projets et de solidarité afin  de protéger leurs valeurs tout en ouvrant des perspectives pour la jeunesse. Guidé par le refus sans concession du racisme et de l’antisémitisme, et avec pour idéaux, la Liberté l’Égalité, la Fraternité, et la Justice, le nouveau Président saura entendre – nous en avons l’intime conviction – les préoccupations et les attentes des juifs de France et d’Europe. Ceci dans la continuité de son prédécesseur, avec qui nous avions tissé une relation faite de dialogue, de confiance et de compréhension.

Souhaitons que la France incarnée par son nouveau Président de la République saura tirer les leçons d’un espoir qui n’a jamais disparu, même aux heures les plus terribles, puisque le judaïsme est la seule religion que le XX siècle ait voulu anéantir. Si notre sensibilité semble exacerbée, si les questions de sécurité sont pour nous essentielles, c’est bien parce que nous avons dû apprendre que le pire est possible, même au pays des Droits de l’homme.

Avec la réaffirmation du principe républicain de laïcité qui permit à l’école d’être libre et gratuite, aux cultes d’être libres et protégés  par la neutralité de l’État , la France sait que, parmi les plus grands serviteurs de son histoire, nombre d’entre eux furent de zélés républicains, sans jamais cesser d’être juifs !

Pour ne citer qu’une infime partie d’entre eux: Gustave Bedarrides, fut Président de la Chambre de la Cour de Cassation et doyen de tous les magistrats de France ; Adolphe Crémieux fut Ministre de la Justice et tous deux furent élus au Consistoire Central, comme le fut Isaïe Levaillant, préfet, directeur de la Sûreté, autrement-dit chef de la police, en 1905; Camille Lyon; Jacques Heilbronner mort en déportation abandonné par la France de Vichy et Georges Saint Paul furent de hauts magistrats siégeant au Conseil d’État avant de siéger au Consistoire Central ou dans des commissions du Consistoire de Paris.

Ces quelques exemples historiques montrent, s’il en était besoin, que ces farouches défenseurs de la laïcité et de la République, qui ne  distingue que le mérite, connaissaient le sens du mot égalité. L’égalité induit la défense des mêmes droits pour tous et n’exonère aucun citoyen d’aucun devoir.

En défendant par exemple la liberté de rendre leurs derniers devoirs à nos défunts, selon notre tradition, notre communauté n’entend jouir d’aucun droit particulier, mais demande à pouvoir exercer librement son culte. Tout comme la question de l’abattage rituel, moyen unique pour garantir une alimentation cachère, ces dispositions  sont strictement inhérentes à la pratique du culte juif et jusque là parfaitement compatibles avec la laïcité.    La laïcité, par son rôle de garant de la liberté de culte, saura préserver ces droits dans le respect des droits et des devoirs du “bien vivre ensemble”, sans que nul n’ait jamais  l’obligation de se renier .

Dans une constante relation d’écoute et de dialogue, le Consistoire et les Pouvoirs publics ont, depuis des siècles, trouvé les moyens et les conditions d’épanouis-sement du judaïsme en France, permettant à notre Communauté de contribuer de façon marquante à l’avenir de notre pays.

Voilà pourquoi nous espérons avec confiance.

(Paru dans Information Juive n°322 – Mai 2012)