Manuel Valls : La France a une part juive incontestable

Il y a quelques jours, le ministre de l’Intérieur était venu présenter ses vœux au Consistoire et à la communauté juive. Il a rencontré quelques jours plus tard les représentants de la communauté, inquiète des menaces que fait peser l’islamisme radical.
Dans un entretien qu’il a accordé à Information Juive, M.Valls va plus loin et expose ce qu’il croit à propos des Juifs de France.

Information Juive : Lors de la récente cérémonie de présentation des vœux de nouvel an à la communauté juive organisée par le Consistoire, vous avez déclaré que la France avait besoin des Juifs de France. Pourtant, l’inquiétude est désormais très vive au sein de la communauté juive. Beaucoup se demandent si ce pays peut désormais être celui de l’avenir de leurs enfants. Qu’avez-vous à dire à ces Juifs ? 


Manuel Valls : L’inquiétude des Juifs de France est aussi l’inquiétude du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur que je suis. Car quand un Français juif est attaqué pour ce qu’il est et ce en quoi il croit c’est toute la France qui est attaquée. L’inquiétude des Juifs de France est celle de toute la France. Et la France ne peut accepter que ses enfants puissent envisager de la quitter. Ce serait se couper d’une partie d’elle-même. Une réponse déterminée s’impose. La France a une part juive incontestable. La République a été le cadre de l’émancipation des Juifs et elle a permis au judaïsme français d’être parmi les plus dynamiques de la diaspora. Autant que tout autre citoyen français, l’avenir des Français juifs est donc en France.

I.J. : Comment le ministre des cultes que vous êtes réagit-il à la montée de remises en cause de la liberté de culte partout en Europe, qu’il s’agisse par exemple de l’abattage rituel, de la circoncision, ou du port de la kippa ? Quelle est la position du gouvernement français sur ces questions qui touchent de près les Juifs dans leur pratique religieuse ? 


M.V. : La France, république laïque, s’est dotée d’un cadre juridique clair, qui garantit le libre exercice des pratiques religieuses. Il est donc hors de question de revenir sur l’abattage rituel et les pratiques traditionnelles. Je l’ai dit, je le répète : les Juifs de France peuvent porter leur kippa avec fierté. Ils peuvent manger casher et procéder à la circoncision. Le débat sur la  » remise en cause  » de la circoncision relève de la méconnaissance la plus totale de ce que sont l’identité et la culture juive. Une telle remise en cause est idiote et indigne. En France, la liberté de pratique vaut pour toutes les religions dans le cadre prévu par la laïcité. Un cadre qui impose notamment l’absence de signes religieux dans les écoles publiques et les services publics.


I.J. : Les Juifs de France doivent affronter depuis la tuerie de Toulouse un regain visible d’actes antisémites. Vous avez évoqué dans la presse l’existence d’une menace terroriste “qui se nourrit de fantasmes..”. Comment définiriez-vous cet antisémitisme né dans les banlieues et comment lutter efficacement contre cette dérive dangereuse ? 


M.V. : Il y a en France un nouvel antisémitisme qui se cache derrière un antisionisme de façade. Un antisionisme qui n’est d’ailleurs pas moins contestable. Ce nouvel antisémitisme, souvent virulent, s’est installé au cœur même de nos quartiers et prospère dans des esprits souvent peu éduqués en perte totale de repères. La lutte contre l’antisémitisme et contre le racisme doivent faire l’objet d’une même mobilisation de la société dans son ensemble. C’est en premier lieu aux pouvoirs publics d’agir, mais aussi aux professeurs, aux éducateurs, aux parents, aux responsables associatifs, aux respon-sables religieux.  

I.J. : Ce qui est sûr c’est qu’il existe désormais une certaine porosité entre délinquance et islamisme radical. Que peut faire le gouvernement contre cela ? 


M.V. : Le phénomène existe. Toutefois il faut en avoir une représentation précise. Seule une minorité de délinquants bascule vers l’islamisme radical et, inversement, tous les djihadistes ne sont pas d’anciens délinquants. Pour combattre efficacement ce phénomène, il faut renforcer les dispositifs de renseignement et de détection des basculements vers le radicalisme, par exemple dans l’univers carcéral. Ceci implique concrètement des synergies plus étroites entre le renseignement intérieur et l’information générale, traitée par les services territoriaux de police et de gendarmerie. J’y travaille activement.


La suite dans le numéro d’Information Juive d’Octobre 2012…