Cela ne vous rappelle rien ? Par Joël Mergui

 

C’est une constante de notre calendrier que d’être toujours dans l’actualité. Probablement parce que notre histoire est indissociable des grandes questions qui se posent aux hommes, où qu’ils soient et quelle que soit leur époque. Peut-être aussi parce que – à vivre au milieu des nations-, nous y jouons le rôle involontaire de sentinelles. Parce que nous n’aspirons à rien d’autre que vivre en paix, pratiquer nos traditions et nos rites, et contribuer à bâtir une société plus moderne et plus juste.


Mais, imaginons que -cédant à un réflexe de rejet autant que de peur- l’opinion européenne invoque le progrès, l’égalité, la morale et jusqu’à la liberté d’opinion pour imposer partout de nouvelles lois et normes sociales.


Imaginons que la Cour constitutionnelle polonaise déclare illégal l’abattage religieux et qu’en Europe, la pratique de la shehita soit désormais jugée hors la Loi. Cela ne vous rappellerait rien ?


Imaginons qu’en France, des provocateurs lancent un débat sur l’interdiction du port de la kippa dans la rue et demandent que le chabbat et les fêtes juives soient considérés comme incompatibles avec un calendrier républicain. Cela ne vous rappellerait rien ?


Imaginons qu’en Allemagne, un tribunal puisse assimiler la circoncision religieuse à une mutilation irrémédiable du corps de l’enfant et que la brit Mila tombe désormais sous le coup de la Loi. Cela ne vous rappellerait rien ?


Exiger des Juifs qu’ils abandonnent leur identité pour se fondre dans le modèle social dominant et leur imposer -par la force des lois-, des normes sociales, éducatives, légales et morales standards, cela ne vous rappellerait rien ?


Indéniablement, si l’Europe sombrait dans de telles extrémités notre actualité nous renverrait dans l’histoire, 2200 ans plus tôt, à l’origine de la fête que nous célébrons actuellement : Hanoucca.


Il y a plus de 20 siècles, à l’apogée de leur gloire et de leur puissance, la culture et le pouvoir hellénique ont interdit aux Juifs -sous peine de mort- de pratiquer la circoncision, d’étudier  la Thora, de vivre un temps juif structuré autour de chabbat et des jours de fêtes et de manger cachère.

 

2200 ans après le règne des Séleucides, nous pourrions être confrontés à une  forme de violence similaire si les enjeux de la vie juive n’étaient plus pris en compte et sauvegardés et si rien n’était fait pour protéger durablement la circoncision, la cacherout, le chabbat et les jour de fête.


Que ce soit au nom de la Laïcité devenue antireligieuse, de la Constitution, du droit des Enfants, de celui des animaux ou des consommateurs, tout ce qui conduirait à limiter la vie juive et à restreindre notre identité contraindrait les Juifs à opérer un choix qui ne s’impose à nul autre citoyen : conserver une vie spirituelle propre ou s’assimiler et abandonner ses valeurs et ses racines.


Hanoucca nous conte l’histoire d’une assimilation rampante et du refus du conformisme doux, plus difficile à combattre et dangereuse pour notre identité qu’elle ne nous menace pas aujourd’hui directement dans notre chair. Comme du temps des Hasmonéens, il suffirait aujourd’hui encore d’accepter les règles de la majorité, de se couler dans le moule dominant et de considérer le Judaïsme comme un archaïsme pour finalement vivre sans histoire.

 

Il suffirait, pourquoi pas, d’accepter que demain, en France ou ailleurs, la crémation soit imposée à tous les morts. Il suffirait peut-être aussi de regarder le mariage religieux comme dépassé ou inégalitaire parce qu’il deviendrait contraire au mariage homosexuel et à une forme de parentalité sans père ni mère. Il suffirait de petites démissions et de petits renoncements pour faire que les juifs n’existent plus.


Flamme après flamme, à mesure que la lumière se fait plus intense chaque soir, Hanoucca nous fait prendre conscience de la nécessité d’engager un combat parallèle à celui de Pourim qui célèbre la lutte contre l’antisémitisme tueur de Juifs.

 

A côté de la journée de célébration de la victoire contre l’antisémitisme de Pourim, les huit jours de fête de Hanoucca donnent la mesure de  l’importance qu’il faut accorder à la sauvegarde de la vie spirituelle indissociable de la vie elle-même. Vivre sans identité, sans valeur ni spiritualité est-ce encore vraiment vivre lorsque l’on est Juif ?

 

C’est contre toute démission, contre toute pression sociale qui voudrait dissoudre le Judaïsme dans la masse et la facilité -et pour notre liberté religieuse- que lutte quotidiennement le Consistoire qui  perpétue le message de Hanouca, une fête dont l’actualité comme la lumière continueront de briller de générations en générations.

(Extrait du journal Actualité Juive n°1235 du 13 décembre 2012)