Lieu de vie, symbole d’espoir par Joël Mergui

Ce que le nazisme n’a pas réussi, l’islamisme radical n’y parviendra pas non plus » : les juifs ne disparaitront pas d’Europe. Nous, Juifs français – qui représentons la plus importante communauté juive d’Europe -, voulons croire en l’avenir d’un Judaïsme européen bimillénaire. Nous y croyons d’autant plus que le sort de la France et de l’Europe ne nous sont pas étrangers. Depuis 2000 ans d’histoire commune, nous avons contribué à forger – dans la joie et au-delà des drames – la fabuleuse destinée européenne, avec une passion jamais démentie. Les liens que nous avons tissés, les solidarités que nous avons entretenues, les découvertes et les valeurs que nous avons partagées, comme le sang versé durant toutes les guerres, sont autant de preuves de notre indiscutable appartenance européenne.

En réponse à ceux qui, hier comme aujourd’hui, veulent réécrire notre histoire et tracer notre destin, nous resterons nous-mêmes : des juifs citoyens ayant foi en l’avenir et célébrant la vie. L’espérance et la confiance sont la marque des peuples libres, des peuples capables de prendre d’assaut la Bastille pour faire émerger les Droits de l’Homme, de faire naître l’Union européenne du chaos de la guerre, ou de faire pousser des oranges dans le désert comme des start up dans la langue de la Bible. S’ils sont la marque des peuples libres c’est parce que ces derniers sont tous porteurs d’un vrai message universel où il est possible à chacun de vivre en paix.

Cet espoir et cette foi en l’avenir, contre ceux qui voudraient nous y voir renoncer, la communauté juive française a voulu les matérialiser par la construction du vaste Centre Européen du Judaïsme (CEJ), dont les travaux viennent de débuter dans le 17e arrondissement de Paris, la capitale-phare qui abrite la plus importance communauté juive d’Europe.

Conçu, réfléchi, débattu et élaboré depuis dix ans au sein du Consistoire, ce projet ambitieux veut répondre à ce qui apparaît comme un besoin primordial de la communauté juive en ce début de 21ème siècle : construire pour agir, construire pour renforcer, construire pour rassembler, construire pour transmettre et construire pour résister.

Lieu de vie, de culture et de culte, pôle de savoirs, de transmissions et de créations, ouvert à tous et sécurisé, ce centre unique en Europe a pour vocation d’apporter un autre regard sur le monde juif, de dissiper les préjugés, de donner à voir et à penser une identité juive plurielle, réunissant toutes les composantes de notre communauté. Que tout celui qui est juif en pousse un jour la porte, trouve d’autres questions en réponse à ses questions, découvre son héritage spirituel vieux de milliers de générations de juifs qui l’ont transmis jusqu’à lui, jusqu’à nous, pour qu’à notre tour – tous responsables individuellement et collectivement d’un trésor miraculeux parvenu du fond des âges, du fond des âmes, des souffrances et des joies -, nous puissions nous inscrire dans la longue chaîne de vie et d’espoir du Peuple Juif et la transmettre à nos enfants qui la transmettront à leur tour à leurs petits-enfants.

Depuis plus de deux siècles d’existence, le Consistoire a su soutenir et accompagner des générations entières de Juifs face aux défis de l’histoire, notamment le siècle dernier au lendemain de la Shoah et à l’arrivée des Juifs d’Afrique du Nord, afin de préserver et de diffuser ce précieux héritage aux générations futures. Face à ces mutations notre institution a dû déployer des trésors d’imagination et des ressources colossales pour réorganiser et reconstruire le judaïsme français qui compte aujourd’hui des centaines de bâtiments soit aujourd’hui le plus important patrimoine juif européen dont le Consistoire a la responsabilité et dont le CEJ deviendra bientôt le fleuron.

Lieu de vie, symbole d’espoir, le CEJ témoigne que les Juifs ne laisseront personne les priver de leur avenir ni décider de leur destin, il montre dans le paysage parisien, français et européen qu’une identité forte fonde une vraie citoyenneté engagée.

(Extrait d’Information Juive n°352 – mai 2015)