Cimetières juifs d’Algérie, par Joël Mergui

L’histoire multiséculaire qui lie la communauté juive à l’Algérie a contribué à façonner un pan du judaïsme « sépharade » à travers les figures éminentes qui l’ont incarné, à travers les rites et les coutumes qui continuent d’être observés de nos jours, et bien sûr à travers la culture si riche qui y a vu le jour.


Dès lors, comme chacun le comprendra, le sort des cimetières et des tombes restées en Algérie suscite, pour l’ensemble de la communauté juive de France, une émotion extrêmement forte. Ce lien est renforcé par le respect éminent dû aux morts, et en premier lieu à leur dernière demeure, comme le prescrit la loi juive.


Suite à l’arrêté du 26 mai 2016 relatif au regroupement de sépultures juives en Algérie, je souhaite faire un rappel historique de l’action du Consistoire sur le dossier des cimetières juifs en Algérie et apporter les éléments d’information suivants.


Depuis plusieurs années le gouvernement français travaille sur la sauvegarde et l’entretien des cimetières juifs et chrétiens en Algérie. Le ministère des affaires étrangères français a obtenu un arrêté du gouvernement algérien en date du 9 septembre 2009  qui autorisait les regroupements et les travaux  dans les cimetières chrétiens.


Au début des années 2000, le Consistoire, questionné, avait refusé les déplacements de tombes juives, car personne ne pouvait assurer la supervision religieuse des exhumations, du fait des risques liés à de tels déplacements.


Monsieur Bernard Haddad (zal), au nom du Consistoire, avait arpenté quelques cimetières et décrivait déjà un état de ruine de plusieurs cimetières juifs. Les raisons sont l’abandon de ces cimetières par les familles, la forte végétation, les tremblements de terres, les inondations, le temps.


Il est à préciser qu’aucune tombe juive n’a été profanée. Aucune dégradation volontaire, aucune inscription hostile n’est à signaler sur  les tombes juives.


En 2009, j’ai décidé de créer la commission consistoriale des cimetières juifs en Algérie, présidée par M. Jack-Yves Bohbot, lequel a suivi de très près ce dossier depuis cette date. Les objectifs de la Commission sont de fédérer et soutenir les associations et les communautés qui agissent en faveur des cimetières juifs en Algérie, informer la communauté juive française  sur ce sujet, sensibiliser les décideurs publics français et algériens et agir pour la rénovation, la protection et l’entretien de ces cimetières (le regroupement de nos sépultures étant toujours exclu jusqu’au dernier arrêté).


Avec  Jack-Yves Bohbot, et Serge Benhaïm – nous participons depuis 2009 aux réunions d’information sur l’action de l’Etat en faveur des sépultures civiles en Algérie qui se tient au ministère des affaires étrangères en présence des responsables de la Direction des Français à l’Etranger.

Depuis 2009, avec Jack-Yves Bohbot, nous avons sensibilisé tous les ministres des Affaires Etrangères, ainsi que tous les ministres de l’Intérieur, sur le sujet de la préservation des cimetières et des tombes juives en Algérie.

Une première mission a été diligentée dans la région d’Alger en 2012, afin de faire le point avec les autorités consulaires sur les tombes juives laissées à l’abandon après le regroupement des cimetières chrétiens.


En 2014, le Consistoire a souhaité obtenir une analyse plus précise de la situation. Nous avons demandé à M. Serge Benhaïm, président de la Hevra Kadicha, que je remercie sincèrement pour son investissement et son abnégation, de faire une mission de reconnaissance et  d’évaluation. Un inventaire précis du nombre des  cimetières juifs, du nombre de tombes, de l’état des tombes a été établi (Tableau ci-après).


Le Consistoire a validé les cimetières à regrouper, à réparer, à réduire, en fonction de l’état des cimetières visités et du risque de disparition dans l’avenir de certaines tombes isolées.


Comme il se doit, la mission consistoriale a toujours été en relation permanente avec le Grand rabbin Gugenheim, pour toutes les questions de Halacha, et le Grand Rabbin Maman, délégué par le Grand Rabbin de France.


Aux vues de cet état des lieux et de la situation réelle des cimetières juifs d’Algérie, il a été décidé de nous joindre à l’action de regroupement des cimetières chrétiens. Notre volonté, liée aux obligations religieuses, est de limiter  autant que possible les transferts de tombes : uniquement si la sépulture est en danger de destruction (dégradations dues au temps, aux pluies, aux tremblements de terres, aux glissements de terrains etc.). De plus, le Grand rabbin Gugenheim a exigé le strict respect de la halacha pour effectuer les exhumations. A savoir : découverte (creusement) manuelle et non mécanique, présence active d’un coreligionnaire, remise des ossements dans un drap- linceul déposé dans un cercueil individuel, ré-inhumation individuelle à même la terre, plaque d’identification (lorsque cela est possible), une dalle- tombe pour toutes les 6 ré-inhumations. Le transfert des ossements vers le grand cimetière juif de regroupement le plus proche.


Le gouvernement français, par l’intermédiaire du ministère des affaires étrangères (le service chargé du dossier des cimetières en Algérie) s’est montré très réceptif et a accepté la totalité de nos demandes.


Restait alors à modifier l’arrêté du 9 septembre 2009 qui limitait les regroupements aux cimetières chrétiens. Nos diplomates ont ainsi obtenu du gouvernement algérien un arrêté additif  le 16 mars 2016 pour étendre les regroupements aux cimetières européens.


L’arrêté du 26 mai 2016  autorise dès lors, légalement, le transfert des tombes juives sérieusement dégradées vers le cimetière juif le plus proche. Aucune tombe juive ne sera déplacée sans l’accord et la supervision religieuse du Consistoire.


Comme le tableau (ci-joint) le montre, la réalité est la suivante : il y a en Algérie 81 cimetières juifs. 31 seront transférés vers les cimetières de regroupements ; Il y a en Algérie  57.898 tombes juives. Seules 1136 tombes devraient être regroupées. Les terrains libérés seront utilisés  par les autorités algériennes dans un but d’intérêt public ; soit pour un jardin, soit pour la construction d’une école ou d’un hôpital (accords Franco Algérien).


Les cimetières subsistants vont être rénovés, les tombes réparées, les murs extérieurs reconstruits ou construits. Les cimetières vont être gardés et entretenus, souvent par le même gardien chargé du cimetière chrétien qui souvent jouxte le cimetière juif. (Rémunéré par la municipalité locale)


Le coût des opérations destinées au regroupement des cimetières juifs est estimé à 1.5 million d’Euros.


Les premières opérations de regroupements des cimetières juifs devraient commencer en début 2017. La sélection, la formation des personnels intervenants est prévue pour novembre 2016.


Les familles désireuses de rapatrier les ossements de leurs proches pourront  le faire dans des conditions administratives et financières  que nous publierons très bientôt après concertation avec toutes les associations. (Coût approximatif actuel d’un rapatriement  est de +ou- 3200€ Algérie – grand aéroport international en France. En fonction du nombre de familles intéressées, nous espérons négocier un prix  étudié.


Les familles  devront s’adresser au Consistoire Central  avant la fin 2016, par écrit au : Consistoire central 19 rue Saint Georges 75009 Paris

Ou par mail  administration@consistoirecentral.fr

Avec MM. Jack-Yves Bohbot et Serge Benhaïm, nous restons bien évidemment à votre écoute et à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Joël Mergui

Président du Consistoire




Lire l’Arrêté du 26 mai 2016

Liste des cimetières

Remerciements

Le Consistoire Central tient à remercier les gouvernements français et algérien pour leur précieux concours.

Nos remerciements vont également à :

–       M. Bernard Emié ambassadeur de France en Algérie

–       M. Jean Pierre Montagne, consul de France à Alger en 2015

–       M. Gérard Menard, consul général à Oran.

–       M. Didier Maze, consul général de France à Annaba,

–       M. Jean WIET, consul général de France à Alger

–       Mme Evelyne SENGSUWAN, consule générale adjointe

–       Mme Margarida BOBENRIETH, consule-adjointe, chef de chancellerie, chef du service de l’administration des français (AFE)

–       Mme Paulette Zelmat vice consule de France à Oran

–       M. Marc Sedille, consul général adjoint à Alger en 2015

–       Mme Marie Menar, du consulat français à Annaba

–       M. Nicolas Warnery, directeur des français à l’étranger

–       M. Sylvain Riquier sous-directeur de l’administration des Français -direction des Français et de l’administration consulaire (Tout particulièrement)

–       Mme Françoise Bacquey rédactrice à la sous-direction de l’administration des Français (direction des Français et de l’administration consulaire.

(Tout particulièrement)

–       Aux Grands Rabbins Michel Gugenheim et Claude Maman

–       Professeur Marc Zerbib, MM. Jacques Nakache et Charley Halimi pour Constantine,

–       M. Georges Benazera pour Oran,

–       MM. Sam Attia et Jean-Paul Durand pour Alger,

–       Dr Charbit pour Tlemcen,

–       M. Simon Erenreich (conseiller juridique), Avraham Winberg (conseiller technique),

–       M. Abderahim Rahim, directeur de la société G7. ..