Nous avons en France la responsabilité de la plus grande communauté et du plus grand patrimoine juif d’Europe. Un patrimoine ancien et pluriel mais dont la caractéristique est surtout d’être vivant. Ce Patrimoine, c’est-à-dire littéralement un « bien de famille », repose d’abord sur nos lois, nos textes, nos traditions. Il est la transmission à tous les Juifs, avant de devenir une éthique pour toute l’humanité. Il est aussi un héritage humain, transmis de générations en générations. Le Judaïsme français est riche de talents nombreux et complémentaires qui doivent s’agréger pour embellir l’œuvre laissée par nos prédécesseurs, bénévoles et salariés, qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes tout au long de notre histoire mouvementée à la croisée des peuples, des influences et des événements.
Notre Patrimoine cultuel est également culturel et organisationnel : la Communauté juive de France dispose du plus vaste réseau de synagogues et de centres communautaires en activité après Israël et les Etats Unis. Il fédère des structures institutionnelles et associatives autant que des initiatives spontanées qu’il est indispensable de conserver actives et en phase avec les attentes de ses membres. Tous ceux qui ont, de près ou de plus loin, la responsabilité ou l’usage de ce riche patrimoine ont par conséquence le devoir de le maintenir dans son intégrité et sa force. Consolider l’acquis, le partager en fraternité, l’optimiser pour répondre aux demandes en nombre croissant, impliquer de nouveaux membres, former pour aujourd’hui et pour demain des responsables communautaires aguerris, fermes, lucides et républicains, c’est notamment cela qui recouvre « l’Alya intérieure. »
Notre patrimoine est grand, il est beau et digne mais il ne l’est jamais autant que lorsque des enfants rient et chantent, que des femmes et des hommes étudient et prient. Si le Judaïsme a perduré par delà le temps, l’espace et le malheur, c’est qu’il est la vie et la joie de vivre juif et non l’expression d’un culte ancien figé dans un musée d’une humanité oubliée. Le Judaïsme est un tout pluriel, parce qu’il est vivant.
Il y a autant de façon d’être Juif que de Juifs. Personne n’est Juif par hasard, sans famille, sans racine, sans histoire, sans amour même ténu et discret voire secret pour le Judaïsme ou Israël. Ce fil parfois ténu qui s’effiloche avec le temps et la distance, il nous appartient de le tisser à nouveau avec ceux que notre accaparement quotidien, en pleine période d’essor, dans la volonté de construire puis d’entretenir nos structures ces dernières années, nous ont fait à tort négliger sinon presque oublier.
Après la destruction, nous avons bâti des murs. Contre la disparition, il nous faut aujourd’hui faire vivre notre patrimoine et construire des consciences, sans lesquelles nos murs ne seront que des espaces vides de notre âme juive. Ceux qui ne voient dans la synagogue qu’un lieu de prières lointain et méconnu, doivent pouvoir en prendre le chemin, transformer leur regard, pour étudier, suivre des cours, participer à des débats, suivre des conférences, assister à des concerts ou admirer des expositions. Israël, l’histoire juive antique ou moderne, la solidarité, la justice, l’éthique médicale, le progrès, l’enfance, le mariage, la fraternité, l’égalité, les relations hommes/femmes, l’art, le rapport au temps ou à la technique constituent autant de thématiques sur lesquelles le Judaïsme apporte un éclairage original et jamais banal, dont la société qui nous regarde attend aussi de nous des questions.
Ne laissons pas croire injustement que nous n’avons que nos morts ou des prières à offrir. Ne nous laissons pas enfermer dans un rôle qui n’est pas le nôtre. Nous avons notre génie propre à faire connaître d’abord prioritairement à nos soeurs et à nos frères qui doutent et hésitent souvent trop seuls, incrédules sur ce que nous avons à leur offrir de tangible, de concret, de profond, de beau, de vrai. A nous, de nous faire partout les chantres de la richesse foisonnante du Judaïsme, de son éternelle actualité et de sa force de questionnement du monde qui nous entoure. Le temps du rassemblement a sonné. Il est urgent d’être solidairement Juifs.
La Communauté juive de France est unie dans sa diversité, ses différences, ses choix à la fois personnels et collectifs qui créent une mosaïque dont la beauté, l’harmonie, le dynamisme et rayonnement doivent être préservés. La force et l’originalité de Judaïsme consistorial est de rassembler tout le monde, quels que soient les niveaux de pratiques, de culture ou d’engagement. Nos synagogues sont des lieux de vie, de rencontres. Elles vont désormais évoluer pour devenir encore plus attractives et donner l’image de ce qu’elles sont aussi, des espaces et des sources d’épanouissement personnel et collectif. Nous avons écrit durant des décennies les très belles pages d’un Judaïsme français en plein développement. Un nouveau chapitre de notre histoire reste encore à écrire ensemble dans l’urgence du mouvement et la pleine conscience que la décroissance ne doit pas altérer notre enthousiasme à faire vivre notre patrimoine, comme source de notre nouvelle vitalité.
(Extrait d’Information Juive)