Hanouka, la prudence qui nous impose d’oser. Oser croire et espérer ! par Haïm Korsia

 

Shimon Peres avait été interrogé par Jean-Pierre Elkabbach sur la leçon qu’il voulait transmettre aux jeunes. Le président israélien lui avait alors répondu : « Il faut que les jeunes soient prudents : Ils doivent oser« . C’est ce qui, à mon sens, définit le plus justement le temps de Hanouka.


En effet, en cette fin décembre, le 25 Kislev, dès la nuit tombée et durant huit jours, nous allumerons dans tous nos foyers un chandelier. Il s’agit de revivre le miracle survenu au Temple de Jérusalem en l’an 162 avant notre ère. Mais il consiste, bien plus que l’huile qui dure huit jours, en la victoire de ceux qui n’avaient aucune chance de vaincre et qui ont trouvé la force morale d’espérer et de l’emporter.


Les Sages du Talmud (Shabbat 21b) s’interrogent sur le sens du mot Hanouka et proposent plusieurs interprétations qu’il est aisé de consulter, mais un maître contemporain du judaïsme, Rabbi Yaakov Adés, nous invite à réfléchir au fait que le mot Hanouka tire son origine du mot Hinou’h, l’éducation. D’ailleurs, dans la prière composée pour cette fête, nous disons bien : « C’était au temps de Mattathias le grand prêtre, lorsque se dressa le royaume grec contre Ton peuple Israël pour lui faire oublier Ta Torah et transgresser les commandements de Ta volonté… » L’ambition des Grecs est clairement dénoncée dans ces paroles. Sciemment, ils souhaitaient voir les juifs perdre leur identité et les fondre dans un moule commun à l’humanité toute entière. La Grèce veut uniformiser l’humanité alors que le judaïsme porte un idéal de différenciation, seule possibilité de rêver d’unité. Couper un homme de ses racines, c’est le condamner à se dessécher ou à trouver d’autres racines, souvent artificielles et donc fragiles.


La seule réponse possible face à une telle menace si contemporaine est de renforcer l’éducation à tous les niveaux et particulièrement celle des enfants. La lumière symbolise la sagesse qui diffuse sa clarté sur le monde, alors que la nuit représente l’inculture, l’absence de connaissances, la haine même du savoir. Huit jours durant, dans un crescendo qui témoigne de nos petites victoires quotidiennes face à notre propre apathie, celle contre laquelle les Maximes des Pères nous engagent à « fixer des moments d’étude » sans quoi nous abdiquerions bien vite, jour après jour, ou plutôt, soir après soir, dans la certitude que grâce à nos petites lampes d’espérance le jour viendra, nous ravivons la flamme du savoir. Il s’agit de triompher de tous les obscurantismes, de tous les préjugés nés faute d’éducation, ceux qui engendrent la violence, la haine, le racisme, et pire, l’indifférence au sein de notre société.


L’avenir du judaïsme se fonde sur le savoir, tant juif qu’universel, transmis aux enfants. C’est le cœur du sens de la fête de Hanouka.


C’est bien à l’occasion de Hanouka que nous puisons la certitude que de grands moyens ne sont pas indispensables pour assurer une bonne éducation, car le seul critère d’une transmission réussie est l’amour porté, par le maître à ses élèves, par les parents à leurs enfants. Tous les soirs de Hanouka, nos Sages n’exigent pas de nous que nous allumions un immense candélabre qui éclaire tout Paris. Non, une seule petite mèche nourrie de sincérité et d’authenticité suffit pour toute la maison. Et si la notion de pirsouma dénissa, la diffusion du miracle, impose de placer les lampes à la fenêtre, c’est davantage pour donner un exemple de ce que nous vivons que pour imposer un modèle ; c’est pour partager l’espérance plutôt que pour tirer orgueil et faire de la « communication » au sens de propagande. Après l’allumage, nous lisons d’ailleurs le texte suivant : « Pendant les huit jours de Hanoukka, ces lumières sont sacrées. Nous n’avons pas le droit de nous en servir. Nous ne pouvons que les regarder. »


Apprendre à son enfant à contempler la Sagesse, l’admirer, cesser de raisonner en terme d’utilité, de production, de résultats, de compétition, c’est le véritable message de la fête de Hanouka, et je formule le vœu que cette harmonie entre la prière et l’étude, entre la confiance et l’espérance, soit un modèle pour nos communautés.


Oui, nous sommes un peuple de rêveurs, depuis Jacob et Joseph, jusqu’à Herzl et Chagall.  Et le miracle se réalise lorsque la volonté divine rencontre le rêve des hommes.


Nous sommes les bâtisseurs du futur, et c’est une lourde responsabilité. Le temps de Hanouka nous prouve que ce défi aux lois du monde est réaliste et qu’il est même notre destinée, ce que notre Créateur attend de nous. Nous saurons être à la hauteur de la confiance que D.ieu nous porte.

 

(Extrait d’Actualité Juive)