L’an prochain une ambassade américaine à Jérusalem ? par Joël Mergui

La promesse de campagne du candidat Donald Trump devenu depuis le 45e Président des États-Unis fait l’objet d’un véritable cataclysme médiatique et politique. La question fait débat, les menaces pèsent, le droit international et l’ONU sont invoqués. Comment un président déjà controversé peut il prétendre officialiser « l’annexion » illégale de Jérusalem, sensée être sous statut international depuis 1947 !

Cette étrange situation m’appelle deux remarques. Premièrement, la promesse de Donald Trump n’a rien d’un scoop illégal ou médiatique. Elle prétend simplement appliquer la loi votée par le Congrès américain en 1995 qui reconnait officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël, et décide par conséquent du transfert de son ambassade à Jérusalem, au plus tard pour …1999 (cf the Jerusalem embassy act of 1995).

Deuxièmement, l’impossibilité pour Israël, État souverain, démocratique et reconnu par l’ONU de choisir sa capitale, emblème international de sa souveraineté, est un cas unique au monde.

Nankin, par exemple, est la capitale officielle de Taïwan mais n’est pas reconnue comme telle. Et pour cause, cette île autrefois appelée Formose, est « l’autre Chine », la Chine non continentale, non communiste et n’est pas reconnue par l’ONU.

Nicosie est un exemple intéressant de statut d’une capitale disputée et même divisée par un mur. Deux Chypre se la disputent comme capitale : d’une part l’officielle République de Chypre reconnue par les Nations Unies et d’autre part celle du Nord, soutenue par la seule Turquie. Pour autant, le statut de Nicosie ne fait pas davantage débat, le monde entier reconnait Nicosie comme seule capitale de la République de Chypre et toutes les représentations diplomatiques y sont installées.

A contrario, même lorsque des pays sont contestés, le statut de leur capitale n’est pas remis en cause, même en l’absence de représentation diplomatique. Pyongyang par exemple, capitale de la Corée du Nord – État reconnu par l’ONU mais non par le Japon, la France ou les États-Unis -, ne fait l’objet d’aucun débat sur sa légitimité de capitale.

De fait, Jérusalem est la seule ville dont le statut de capitale est systématiquement remis en question depuis la reconnaissance officielle de l’État juif par l’ONU !

Est-ce parce qu’elle est l’unique ville trois fois sainte après avoir été la ville du Temple, que les États seraient en droit d’exiger de Jérusalem de ne pas être la capitale du seul État juif ? Est-ce parce que certains emplacements de la ville – et non la ville toute entière – sont révérés comme des lieux saints par les chrétiens et par les musulmans, que Jérusalem tout entière – fondée en Judée par des juifs, il y a plus de 3000 ans – devrait perdre son identité de capitale éternelle du peuple juif ?

Pourquoi ? Quel droit, international, politique, ou moral suppose de s’exercer de façon aussi discriminatoire et unique pour une seule ville et un seul État au monde ?

Seuls les juifs du monde entier prient tournés vers Jérusalem. Aucune autre religion, que le Judaïsme, n’a défini Jérusalem comme son centre spirituel. Aucun autre peuple ne rêva de reconstruire sa capitale éternelle, tout au long des siècles, sinon le peuple juif. Aucun autre peuple n’a prié, chanté, célébré Jérusalem comme le peuple juif qui, chaque année à Pâque, partout dans le monde, exprime le voeu de se retrouver « l’an prochain à Jérusalem. »

En 1995, Israël et les juifs du monde ont célébré les 3000 ans d’histoire de Jérusalem. Cette célébration avait fait l’objet d’injustes remises en question de l’identité première de Jérusalem, comme si Jérusalem n’avait pas d’abord été la cité du Roi David et la ville du Temple du Roi Salomon, avant de devenir trois fois sainte.

Cette année, il y aura 50 ans que Jérusalem est la capitale effective et quotidienne d’Israël. 50 ans durant lesquels la ville sainte a pu enfin reprendre son développement, s’épanouir en respectant tous les particularismes, se moderniser en sauvegardant toutes les différences, sans exclure ni les laïcs ni les pauvres ni même ceux qui lui dénient son passé juif. 50 ans au terme desquels personne ne peut objectivement nier que la liberté de conscience et de culte a été garantie comme jamais, pour tous et pour toutes les religions.

Sans négliger l’importance politique et géostratégique d’un déménagement de la représentation diplomatique américaine – et je l’espère bientôt celle de la France et de toutes les démocraties -, la question la plus importante qui doit continuer d’animer les juifs reste celle de continuer à croire à la sainteté de Jérusalem, à ne jamais cesser de nous tourner vers Jérusalem pour rechercher la paix des coeurs et des âmes.

Aujourd’hui, alors qu’Israël est devenu un État juif souverain et moderne, si toutes les démocraties ont le devoir d’être fidèles à leurs idéaux en lui reconnaissant le droit d’exister, de se protéger contre ses ennemis et de choisir sa capitale, les juifs du monde entier ne doivent pas oublier la vérité de Jérusalem, son origine, sa sainteté et son importance fondamentale pour la pérennité du Judaïsme.

Il est temps de comprendre le véritable enjeu de Jérusalem. Si depuis 3000 ans, Jérusalem est disputée et convoitée, c’est qu’elle est plus qu’une question juridique, géopolitique ou religieuse. Jérusalem la juive est à l’origine du message universel des trois monothéismes, à la source du long processus qui a mené l’humanité vers un monde plus juste et démocratique et c’est à nous tous qu’elle rappelle que nous devons incarner cette humanité meilleure.