La richesse de l’expérience, le défi du renouveau, par Joël Mergui

Représentation du judaïsme français, modèle d’intégration et de citoyenneté, tout autant que gardien et défenseur des valeurs juives, le Consistoire a entamé sa mutation ces dernières années, dans la logique de réinvention et d’adaptation perpétuelle qui le caractérise depuis sa création, voilà plus de deux siècles.

Dès l’origine, le Consistoire a institué un judaïsme de consensus où se retrouve, au coeur d’un véritable melting-pot, la grande majorité des membres de notre communauté. Nos enfants en sont d’ailleurs l’illustration qui reflète l’extraordinaire mélange réussi de la diversité de nos racines juives. La force de l’unité consistoriale consiste justement dans la multiplicité des sensibilités et des courants qui la composent dans un mouvement de contributions et d’apports perpétuels, dont chaque génération bénéficie avant de l’enrichir à son tour.

Créé pour incarner et représenter la communauté juive française, le Consistoire fédère des centaines de communautés à travers la France et veille à la pérennité du culte juif, dont il est le fidèle gardien. Nombre de causes ou de projets n’auraient pu aboutir efficacement, ni être cohérents sur les plans local, national, voire européen sans les partenariats féconds entre Consistoire Central, Consistoires régionaux, Consistoire de Paris et les communautés. La complémentarité étant un atout majeur du modèle consistorial, le rôle opérationnel majeur de l’ACIP reste indissociable du rôle représentatif et fédérateur du Consistoire Central, pour accomplir nos missions comme, par exemple, la défense de la cacherout, la liberté de culte, la circoncision, le port de la Kippa, le respect du calendrier juif ou la lutte contre l’antisémitisme et la délégitimation d’Israël.

L’esprit collectif et solidaire de notre institution nous permet, encore en 2017, de continuer à jouer pleinement notre rôle de bâtisseur, en construisant de nouvelles structures communautaires, tout en assumant notre responsabilité de gestionnaire en agrandissant, réparant et en mettant aux normes l’ensemble de notre patrimoine. C’est cette même dynamique de renouveau qui est partout à l’oeuvre, dans tous les Consistoires, comme on peut le voir cette année par exemple à Amiens, Cannes, Colmar, Courbevoie, Grenoble, Lyon Tilsitt, Monaco, Paris dans les 16e et 17e arrondissements, Troyes …

Le Consistoire, c’est également une dynamique de services, ouverts à tous sans concession sur la qualité, à l’exemple de notre cacherout, reconnue par les autorités rabbiniques du monde entier. C’est songer à l’avenir, croire en la jeunesse, investir dans les Talmudé-Thora et l’E-Learning, qui fournissent à des centaines de communautés le socle de valeurs et les outils pédagogiques indispensables à une transmission qui a largement fait ses preuves.

Dans nos centaines de synagogues, chacun est accueilli avec joie et chaleur quels que soient ses convictions et son degré de pratique religieuse. En tant que responsables communautaires particulièrement, adoptons le sens de l’accueil et de la convivialité que nous laisse en héritage le Grand Rabbin Joseph Haïm Sitruk (zatsal), qui nous a hélas quitté cette année. Diffusons comme lui, le plaisir et la fierté d’être juifs pleinement conscients de nos responsabilités avec l’exemplarité de notre engagement au regard de tous nos concitoyens. A son image, mettons à l’honneur l’investissement de soi sachant que rien n’est dû. Valorisons le bénévolat comme un acte de solidarité qui concerne tout le monde et implique chacun d’entre nous, pour ne laisser personne décider de notre destin collectif et individuel.

Mes rencontres avec vous sont des moments d’enrichissement exceptionnel qui me permettent de faire la synthèse de vos projets, préoccupations, inquiétudes et espoirs pour mieux agir à votre service et mieux vous représenter. C’est dans cet esprit que j’ai rencontré tous les nouveaux acteurs de la nouvelle mandature, pour leur faire découvrir qui nous sommes et partager les enjeux qui sous-tendent nos besoins, nos problèmes comme nos attentes spécifiques. Animé par la conviction que les problématiques posées par notre communauté sont à l’avant-garde de celles qui se poseront à toute notre société, porteur de vos messages et de vos aspirations, j’aurai le souci qu’à chacune de mes rencontres avec les pouvoirs publics nous dépassions le stade de l’écoute polie et de l’adhésion de simple circonstance.

L’engagement ne peut jamais qu’être volontaire et privilégier une démarche constructive de sorte que chacun et particulièrement nous, juifs français, puissions continuer de bâtir en France, notre avenir avec confiance. L’action opérationnelle de notre institution, notre présence permanente au coeur de nos communautés nous donnent en effet toute la légitimité pour, non seulement, nous exprimer et agir en leur nom, mais aussi défendre et guider le judaïsme français en cette période d’incertitude.

Nous n’oublions pas. Notre mémoire collective conserve le souvenir des 32 000 soldats juifs qui ont participé à la Grande Guerre (pour une population juive totale de 180 000 personnes), des milliers de résistants juifs, des Justes, des 6 millions de nos frères et soeurs assassinés par les nazis – et leurs sinistres collaborateurs – parmi lesquels 75 721 d’entre eux furent déportés de France. Témoin parmi les témoins de l’indicible, après Samuel Pisar z.l. puis Elie Wiesel z.l. l’an dernier, Simone Veil z.l. vient de nous quitter. Grande figure de la vie politique française, première Présidente du Parlement européen, son action publique s’inscrit d’ores et déjà dans l’histoire de la société française et celle de tous les Français. En demandant – parce que sa judéité est imprescriptible – que soit lu sur sa tombe le Kaddish, Simone Veil z.l. a délivré à nos sociétés laïques un ultime message en mémoire des victimes de la Shoah et en faveur du judaïsme.

75 ans après la tragique Rafle du Vel d’Hiv, le Premier Ministre d’Israël a participé pour la première fois aux commémorations nationales, à l’invitation du Président de la République nouvellement élu, en dépit de l’hostilité des antisionistes de tous bords. Des antisionistes dont le masque politique cache mal le visage antisémite comme a eu le courage de l’affirmer publiquement le Chef de l’État. Nos sociétés démocratiques devraient se garder de leur céder sur l’histoire juive multimillénaire de Jérusalem. J’ai en effet la conviction qu’elles risqueraient de légitimer ensuite toutes les entreprises de révision et de négation du terrorisme islamiste. Un tel relativisme serait suicidaire pour gagner la guerre non conventionnelle que nous mènent les ennemis de la démocratie.

Ceux-là tuent au nom d’une idéologie de mort et de violence maquillée en religion criminelle. Idéologie de haine qui torture et défenestre Sarah Halimi z.l. quelques années à peine après le crime sauvage d’Ilan Halimi z.l., l’horreur de Toulouse et la barbarie de l’Hypercacher.

Pour braver la morosité et le doute après les terribles vagues d’attentats meurtriers, le Consistoire a repensé son modèle d’action et, en l’adaptant aux réalités nouvelles, a conçu en réponse le Centre Européen du Judaïsme comme un formidable pari sur l’avenir et un exemple de foi dans la force de nos convictions.

En ce XXIe siècle naissant, c’est dans l’Ouest parisien que s’est déplacé le centre de gravité de la vie juive et c’est en son coeur, toujours à l’unisson de la communauté juive, que le Centre Européen du Judaïsme ( CEJ ) ouvrira ses portes, dans le 17e arrondissement de Paris, 210 ans après la création du Consistoire.

Ce mouvement porté par nos communautés à l’image du CEJ va insuffler dans nos structures un nouvel élan capable de mieux satisfaire les besoins d’un public toujours plus exigeant en quête de renouveau spirituel et culturel. Cette dynamique – observée lors de la deuxième Soirée des fondateurs en juin dernier dans les salons de l’Hôtel de Ville de Paris -, dépendra également de l’engagement de tous les acteurs à faire vivre le Centre du judaïsme Européen dans sa triple vocation culturelle, institutionnelle et cultuelle. Pôle d’excellence de la vie juive, mobilisons-nous pour faire vivre, transmettre et embellir le judaïsme dont le modèle comme l’éthique sont plus que jamais montrés en exemple pour leurs apports. Engageons-nous pour soutenir notre institution et ses projets. Restons concernés toujours par « l’Aliya interne, » pour faire découvrir à nos amis, à nos parents les plus éloignés, la beauté et la richesse intérieure de leur héritage familial juif. Après avoir célébré comme il se doit le jubilé de Jérusalem cette année, invitons-les à partager et à animer aussi, l’an prochain, le 70e anniversaire de l’État d’Israël partout dans nos communautés.

Que cette année 5778 soit pour nous tous et nos concitoyens une année de paix et de prospérité, que notre pays ne connaisse plus les assauts des antisémites et des terroristes sachant que rien ne résiste à la force d’une volonté bienfaisante, confiante et constructive car, comme nous l’enseignent les Pirké-Avot : « c’est à proportion de l’effort que sera la récompense ».