A Joseph Haim Sitruk (zatsal) notre maître, par Bruno Fiszon, Grand Rabbin de Metz et de la Moselle

 

Il existe des hommes que l’on croit éternel tant ils sont solides.

Il existe des hommes qui imprègnent si profondément leurs contemporains qu’on les croit présents pour toujours.

Joseph Haïm Sitruk (zatsal) était de ces hommes rares et si précieux.

Je me souviens encore jeune rabbin, de ces mots d’encouragement, de ce sourire si bienveillant.

« Bruno, ta réussite dépend de ta volonté, de ta croyance et de ta fidélité. C’est au fond de toi-même que tu dois puiser cette énergie pour entrainer les juifs à retrouver leur chemin. »

Le Grand Rabbin Sitruk est le maître, qui, au-delà d’un enseignement riche en torah, savait créer chez l’autre, l’envie irrésistible de le suivre.

Jamais, un tel homme n’a eu autant de charisme. Son discours, c’était un chant, une mélodie rythmée qui façonnait l’auditoire.

Rav Sitruk, c’était cet amoureux de l’Eternel, mais aussi amoureux de son peuple. Amoureux des Juifs.

Lorsque vous aviez la possibilité de le rencontrer ; il se concentrait uniquement sur votre personne. Rien d’autre ne comptait.

Il était aussi l’homme de la fidélité. Fidélité à une thora qui ne souffre pas de compromis. Une thora authentique qui exclut toutefois une austérité propre à repousser ceux qui amorcent un retour.

Bien au contraire, l’exemple de la vie de Joseph Sitruk est celle d’un homme de « simha », de joie, malgré les épreuves terribles qui ne l’ont pas épargné.

Il faut être « Créateur de Bonheur », aime-t-il répéter.

Comment alors ne pas rester insensible à l’appel qu’il lançait avec la force de l’homme convaincu du but à atteindre.

Combien de jeunes ayant suivi ses cours ont retrouvé leur identité juive, combien de couples se sont formés, « ont été bénis » par Joseph Sitruk.

Lui, un homme public, à la tête du Judaïsme Français, pendant plus de 21 ans, il a su être un époux et un père aimant. Il a fait de sa famille, un exemple de transmission.

Voilà ce qu’est un maître en Israël, son enseignement n’est pas seulement dit ; il est véritablement vécu.

Les paroles qui sortent du cœur, pénètrent le cœur d’autrui. En effet, Yossef Haïm Sitruk parlait vrai et chacun, alors, ressentait la portée infinie de ses paroles.

L’Eternel a créé l’univers avec la parole. L’homme peut, à son niveau, créer des mondes avec autant de paroles.

Yossef Haïm Sitruk a créé, il a bâti des couples, des familles, des générations.

Pour ma part, j’ai eu le privilège, grâce à D.’, de l’approcher. Dans ma mission, d’abord j’avais gagné sa confiance. Il a béni chacun de mes enfants, avant chaque bar mitzva ou mariage. C’étaient des moments rares où nous avons bu, chacune de ses paroles, où nous sommes imprégnés de sa sagesse, de ses conseils.

Je pense aujourd’hui à son épouse, à ses enfants et à tous ses nombreux petits-enfants. Quel chagrin ; ils affrontent avec courage cette épreuve !

Il était un fervent partisan de l’Etat d’Israël auquel il manifestait publiquement son soutien.

Il a représenté le Judaïsme Français forçant l’admiration et le respect des plus hautes personnalités de la République, des dignitaires religieux et même des chefs d’état étrangers.

Il a montré combien on pouvait vivre pleinement son Judaïsme tout en étant partie intégrante de la Nation Française.

Je veux aussi souligner le lien privilégié que le Grand Rabbin Sitruk avait tissé avec Metz. Il aimait venir régulièrement dans notre Kehila où il était toujours accueilli avec beaucoup de chaleur.

Il avait pour le Rav Bamberger (zatsal), un profond respect mais aussi cette affection pour le Dayan qui, comme lui, aimait les juifs autant qu’il aimait l’Eternel et la Torah.

La même flamme, la même envie de partager dans la joie, ce qui est le plus précieux.

Rav Yaacov Sitruk, son fils, a rappelé, lors de la cérémonie de levée de corps en la synagogue de la Victoire, ce que son père avait l’habitude de dire : « l’Amour de la Thora et l’Amour d’autrui, c’est comme une flamme, plus vous la partagez, plus elle est puissante. »

Nous sommes tous orphelins du Maître, d’un guide qui nous a éclairé de son sourire pendant tant d’années. La dernière image que je garde est celle d’un homme physiquement épuisé par la maladie, qui tel un patriarche, Jacob se redressa pour accorder à mon fils, une dernière bénédiction, avant son mariage. Son énergie était intacte, sa sagesse si profonde, que nous sommes sortis de chez lui, profondément émus, marqués.

Comme l’exprime Rachi : « Yetsiat Hatsadik Osse Rochem », la sortie du Juste laisse une empreinte.

Pour nous, juifs de France, il restera l’homme qui a changé profondément les choses, en analysant un retour incroyable et collectif vers l’identité d’Israël.

Qu’il Soit notre Avocat auprès du Tout Puissant en ces heures difficiles pour le Peuple Juif.