Colmar : Cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites

La cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes de France » s’est déroulée Mardi 16 Juillet 2013 devant la synagogue de Colmar, en présence du Préfet du Haut Rhin, Vincent Bouvier, du Député Eric Straumann, du Maire Gilbert Meyer, du Président du Conseil Général, Charles Buttner,  du Conseiller régional, Yves Hemedinger, du Président Régional du CRIF, Pierre Levy,  du Grand Rabbin du Haut-Rhin, Yaacov Fhima et des Présidents et Rabbins des communautés de notre Département, ainsi que des membres du Consistoire.

En présence d’un nombreux public, Jacques Banner, Président du Consistoire Israélite du Haut-Rhin, a introduit son intervention en rappelant que la cérémonie coïncidait, cette année, avec le jeûne du 9 Av, jour de tristesse et de malheur pour le peuple juif.  C’est donc avec une émotion particulière qu’il a pris la parole. « La communauté juive a toujours, à son corps défendant, joué un rôle de baromètre dans la société. Quand on s’en prend à elle, cela démontre un profond malaise dans la société. Cela démontre, si cela est encore nécessaire, que le monde tourne mal. Il faut également , en ce jour,  rendre hommage à tous les Justes – à qui nous vouons une reconnaissance éternelle pour avoir choisi la Justice -en dépit des lois iniques- et risqué leur vie pour sauver des vies juives, à un moment où celles-ci n’avaient aucune valeur. »

Dans la suite de son allocution, il a évoqué le rôle essentiel de l’Ecole de la République dans l’enseignement de cette tragédie et souligné l’engagement du Président de la République pour la sécurité des juifs de France.

« Nous, juifs de France et d’Europe, souhaitons continuer de bâtir ensemble un avenir, où la démocratie ne sera pas le privilège d’une majorité toute puissante mais le respect des plus petites des minorités, assurées de pouvoir vivre leur singularité, sans entrave ni restriction, sans se renier ni être reniées de leur patrie », a conclu le Président du Consistoire.

Le Préfet du Haut-Rhin, Vincent Bouvier, a ensuite repris un message de Kader ARIF, Ministre délégué en charge des Anciens combattants, dans lequel ce dernier évoque l’arrestation de milliers d’enfants et rend hommage aux « Justes » qui ont permis de sauver des vies.

La cérémonie s’est terminée avec la lecture du Psaume 130 par le Grand Rabbin du Haut-Rhin, Claude Fhima suivi du Kaddish récité par Monsieur Théodore Haennel.

Enfin, le Préfet et le Président du Consistoire ont déposé conjointement une gerbe à la mémoire des victimes.

Discours du Président Jacques Banner :

Monsieur le Préfet du Haut Rhin

Monsieur le Député

Monsieur le Maire de Ville de Colmar

Monsieur le Président du Conseil Général du Haut-Rhin,

Monsieur le Conseiller régional

Monsieur le Délégué Militaire Départemental

Mesdames et Messieurs les  parlementaires, (ou leurs représentants)

Mesdames et Messieurs les maires et élus des différentes communes de notre département,

Messieurs les représentants des autorités Civiles, Militaires, Judiciaire et Religieuses

Monsieur le Président Régional du Conseil Représentatif des Juifs de France, (CRIF)

Monsieur le Grand Rabbin du Haut-Rhin

Madame, Messieurs les membres du Consistoire, M. le Président honoraire,

Monsieur l’Aumônier Militaire Régional

Messieurs les Rabbins

Messieurs les Présidents et Administrateurs des Communautés Juives du Haut-Rhin

Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie   d’honorer de votre présence cette cérémonie commémorative des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes » de France.

Cette année la date du 16 Juillet correspond également  à un des jours les plus funestes de notre calendrier hébraïque, le 9 av ; jour de deuil et de jeune commémorant la destruction des 2 Temples ; c’est un jour de tristesse et de pleurs pour des générations, de grand malheur pour le peuple juif

En ce jour particulier cette année pour le juifs du monde entier, c’est avec une profonde émotion que je prends la parole aujourd’hui devant vous.

C’était le 16 juillet 1942, 71 ans déjà….

Les années passent et les quelques survivants de cette terrible époque disparaissent jour après jour.

71 ans déjà, car le souvenir de cette journée reste gravé dans notre mémoire comme si elle avait eu lieu hier. Nous ressentons au plus profond de notre être la souffrance de ces personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, raflées, maltraitées, humiliées puis envoyées vers une mort certaine, sans qu’aucun secours ne leur vienne de nulle part. Le pire des cauchemars vécu dans le Pays de la Liberté et des Droits de l’Homme.

71 ans déjà, car trois générations sont passées. Comment pouvons-nous expliquer aux petits-enfants, ce qui est arrivé aux13152 personnes dont 4.115 enfants disparus dans la tourmente. Comment leur expliquer l’inexplicable ? Comment leur expliquer le mobile, la lâcheté des auteurs de ce crime imprescriptible ? Notre raison nous l’interdit car l’humanité s’est effacée pour laisser place à la plus effroyable barbarie.

Les 16 et 17 juillet 1942, 4500  policiers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis ; ils arrêtaient  à l’aube à leur domicile près de 13 000 Juifs pour les conduire au Vélodrome d’Hiver.

Parmi eux, plus de 4000 enfants furent emmenés seuls, séparés de leurs parents, dans les camps de travail de Pithiviers et de Drancy. Pas un seul de ces enfants ne revint…

On verra des scènes atroces : les familles déchirées, les mères séparées de leurs versé leur sang pour la France – jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police.

Aujourd’hui nous sommes à un tournant de l’histoire de la commémoration de la rafle du Vel. D’Hiv. En effet, à l’heure où les témoignages se raréfient,  il est de notre devoir de faire connaitre la shoah à nos enfants, pour que ces faits soit un « avertissement «  pour demain. Il est édifiant que 42% des Français âgés de 15 ans et plus, déclarent n’avoir jamais entendu parler du Vél d’hiv, d’après un sondage CSA publié cette année. Aujourd’hui plus que jamais l’Ecole de la République, dont la mission est d’éduquer, ne peut faire l’économie de cet enseignement. Et pourtant dans certains établissements scolaires, il est totalement impossible de parler ou d’évoquer  même la Shoah, craignant de « déclencher des réactions violentes et des polémiques ».

Quand mettrons-nous enfin un terme   à cette  banalisation de la Shoah ?

Contre toutes les formes d’antisémitisme, de racisme ou de xénophobie, qui sont autant d’atteintes à la dignité de chaque homme, luttons sans relâche.

Toute attaque physique ou verbale est … inacceptable, et est contraire aux valeurs de la République

Nous assistons aujourd’hui à la montée d’un antisémitisme sournois qui s’abrite sous le masque pervers de l’antisionisme. La critique devient systématique  et vire à l’obsessionnelle

Est-il normal que nos lieux de Culte soient obligés d’être surveillés en permanence ?

Est-il normal que des citoyens français soient molestés ou insultés  parce qu’ils portent une calotte ?

Est-il normal que chaque année, et encore malheureusement celle-ci, des centaines d’actes à caractère antisémite, dont le nombre ne cesse de grandir, soient recensés, à travers toute la France

Nous avons tous en mémoire l’horrible tuerie de Toulouse décimant des familles  juives et  des familles de militaires par des actes de tuerie fanatique.

Il est nécessaire que les Pouvoirs Publics, dont nous connaissons la totale et entière implication pour enrayer ces phénomènes, puissent mettre ces individus et groupuscules hors d’état de nuire et à nouveau faire régner la fraternité entre tous les citoyens de notre pays.

La sécurité  des Juifs de  France, déclarée « cause nationale »  par le Président de la République en octobre dernier, doit passer par une mobilisation de tous les instants, une répression sans compromis sur le terrain, mais aussi et surtout la mise en œuvre d’actions préventives et de projets éducatifs.

La communauté juive a toujours, à son corps défendant, joué un rôle de baromètre dans la société. Quand on s’en prend à elle, cela démontre un profond malaise dans la société. Cela démontre, si cela est encore nécessaire, que le monde tourne mal.

Aujourd’hui, la France commémore avec nous, le souvenir de nos morts, de tous ses morts, victimes du racisme et de l’antisémitisme de l’Etat français.

Il faut également , en ce jour,  rendre hommage à tous les Justes – à qui nous vouons une reconnaissance éternelle pour avoir choisi la Justice -en dépit des lois iniques- et risqué leur vie pour sauver des vies juives, à un moment où celles-ci n’avaient aucune valeur.

Le temps est désormais compté pour obtenir les témoignages en vue de reconnaître des Justes qui n’auraient pas encore été honorés par Yad Vashem à Jérusalem.

C’est faire acte de Mémoire mais aussi et surtout d’une reconnaissance éternelle que de rendre hommage à ces » héros » de l’ombre qui ont su préserver la France d’une tâche indélébile : l’histoire de la France ne se résume heureusement pas au seul régime collaborationniste de Pétain. Les Justes de France ont permis aux deux tiers des Juifs de France de survivre, pourcentage unique parmi les pays occupés ;

La présence ici même de l’ensemble des représentants politiques et des différents cultes, que je salue à nouveau avec respect, montre que nous sommes tous engagés dans le même combat.

Que notre pays la France soit toujours fidèle à ses principes et protège ses citoyens.

Nous, juifs de France et d’Europe, souhaitons continuer de bâtir ensemble un avenir, où la démocratie ne sera pas le privilège d’une majorité toute puissante mais le respect des plus petites des minorités, assurées de pouvoir vivre leur singularité, sans entrave ni restriction, sans se renier ni être reniées de leur patrie.