Colmar : L’émotion collective

Une cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France a fourni l’occasion de rappeler le souvenir de Simone Veil, disparue il y a peu. « À l’inverse de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, disparus sans sépulture, et auxquels le mémorial de la déportation des Juifs de France est parvenu à redonner noms et visages, Simone Veil, en tant que survivante des camps nazis, de par sa stature morale exemplaire et son destin politique hors du commun, a réussi non seulement à incarner l’âme collective des victimes de la Shoah mais aussi à leur conférer un surcroît de dignité, en sus de leur dignité naturelle et inaliénable que l’entreprise hitlérienne avait tenté vainement de leur confisquer » , a souligné avec force le président du consistoire israélite du Haut-Rhin, Elie Cohen, hier lors d’une cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France.

 

Ses propos, qui relevaient d’un texte élaboré collégialement avec le consistoire, étaient forcément graves. Ils ont suscité l’émotion collective d’une assistance de plus d’une centaine de personnes, dont des représentants des autorités civiles et militaires. « Simone Veil a, entre autres mérites, celui d’avoir fait honneur à la mémoire de ses codétenus d’Auschwitz en partageant avec eux cette majesté et ce supplément d’âme attachés à son itinéraire personnel. Revenue miraculeusement de l’enfer concentrationnaire qui était censé la réduire à l’état d’objet, d’animal, de numéro, de non-être absolu, elle a donné à voir, de façon subliminale, ce qu’auraient pu devenir ses millions de congénères assassinés » , a-t-il remarqué.


M. Cohen a aussi parlé de la Rafle du Vel d’Hiv, perpétrée il y a exactement 75 ans. Cette opération menée par 889 équipes de policiers français et qui, « le 16 juillet 42, entre 4 h et 5 h du matin » , a brisé le destin de « 4115 enfants, 2 916 femmes et 1 129 hommes, soit un total de 8 160 personnes [déportés à Auschwitz], sans compter les 4992 transportés ce même jour à Drancy ».


Enfin, il a lancé un appel à la vigilance, en observant que « certaines haines ancestrales sont insubmersibles et ne se dissolvent pas dans les progrès de la science, dans les conquêtes de la raison et de la démocratie, comme si elles étaient des constantes de l’humanité aussi immuables que les lois de la physique. »

 

Le rabbin de Mulhouse, Mardoché Amar, a lu le psaume 130 en français et en hébreu, alors que Théodore Haenel a dit la prière des morts ou Kaddish. Un autre moment fort de la cérémonie, dans la mesure où cet homme de 95 ans est lui aussi un rescapé des camps de concentration.


Né en 1922 dans une famille juive à Weiterswiller (67), il a été déporté en 1943 à Querqueville (50) où il a été affecté aux travaux du mur de l’Atlantique. En octobre de la même année, il a été transféré au camp de concentration de l’île anglo-normande occupée d’Aurigny. Il s’est évadé en septembre 1944, avant de rejoindre l’armée française.


Le sous-préfet de Mulhouse Jean-Noël Chavanne a donné lecture du message du secrétaire d’État aux armées, puis a déposé une gerbe en compagnie du maire Gilbert Meyer et du président du consistoire. Les militaires, d’abord au garde-à-vous, ont présenté les armes avant que ne résonne la sonnerie aux morts qui précédait la minute de silence. La Marseillaise a retenti pour clore la cérémonie qui se déroulait au square, devant la synagogue, dans un quartier bouclé par les forces de l’ordre.