Cela fait déjà quelques années que le sentiment d’insécurité, dû à l’augmentation des actes antijuifs, et la question corolaire de l’Aliya des Juifs français sont au coeur des préoccupations de notre communauté. Par contre, qui aurait pu prévoir que ce sujet, qui relève de l’intime des familles juives et du travail d’éducation de nos institutions, sortirait brusquement au grand jour pour devenir un thème d’actualité nationale avec une multitude de reportages sur le parcours de familles de Olim et d’interviews d’hommes politiques invités à s’exprimer sur « la nouvelle question juive ». Il aura donc fallu cinq tueries successives (Gang des barbares, Toulouse, Bruxelles, Vincennes et Copenhague) et les images très médiatisées de charters d’immigrants atterrissant en Israël, pour que la classe politique et les médias commencent à découvrir l’ampleur du désarroi des Juifs de France et sa conséquence la plus visible : leur émigration sous des cieux jugés plus cléments.
La question n’est pas de savoir si une augmentation d’actes antisémites ou quelques fous de D., meurtriers et illuminés, auront raison d’un judaïsme installé en France depuis plus de 2000 ans. Dans la pensée théologique juive, on ne cherche jamais le sens de notre vie ou l’explication de nos vicissitudes dans les évènements du « théâtre » extérieur. Les réponses aux questions : « QUE NOUS ARRIVE-T-IL ? », « QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? » et tant d’autres, sont à chercher en nous-mêmes, dans notre vie, notre histoire, notre tradition : « Souviens-toi des jours anciens, réfléchis aux années des nombreuses générations, interroge ton père, il te racontera, tes anciens ils te diront » (Genèse XXXII,7).
C’est là le sens de la fête de Pessah’. La Hagada n’est rien d’autre que la litanie de nos persécutions passées et de la « stratégie » très particulière et originale inventée par le peuple juif pour y faire face et qui peut se résumer en une formule simple : défendre et transmettre inlassablement notre foi, nos valeurs et nos traditions.
Ainsi, on ne doit pas aborder la question de l’Aliya avec l’esprit de panique de celui qui cherche la sortie de secours. On ne doit pas non plus voir dans la terre d’Israël une immense arche de Noé réservée aux réfugiés juifs qui chercheraient à échapper à l’apocalypse mondiale. Israël n’est pas une destination pour les dépressifs et les pessimistes en échec ou en rupture de ban avec leur milieu d’origine. Israël est une terre promise pour les bienheureux qui y trouvent le couronnement d’un parcours personnel et spirituel.
Pessah’ nous rappelle que partout où nous vivons, nous avons le devoir de cultiver et de transmettre notre identité et nos valeurs à tous nos enfants, quelle que soit leur conviction religieuse. C’est là le rôle des institutions juives, et notamment celui du Consistoire qui, à travers ses nombreux services et ses centaines de communautés sur l’ensemble du territoire national, s’efforce de transmettre aux Juifs les fondements de notre éthique sur les plans éducatif, religieux et social, afin qu’ils soient prêts à affronter les nouveaux défis que nous réserve l’histoire.
De tout temps et en tout lieu, notre foi et notre espérance sans faille dans l’avenir nous ont amenés à ériger des synagogues, des mikvaot, des centres d’étude, des écoles, des centres communautaires… Cette soif de vivre nous a fait construire ces structures, essentielles à la transmission de nos traditions, et c’est là une des clés de la réussite de notre intégration dans toutes les sociétés dans lesquelles nous vivons.
Nos institutions, nos communautés, nos écoles, nos mouvements de jeunesse ont donc la tâche immense de continuer à former des générations de bâtisseurs qui participeront au fabuleux chantier de la pérennité du peuple juif.
La conscience de notre identité est le meilleur rempart contre toutes les inquiétudes, elle seule nous permettra de continuer à traverser et à éclairer l’Histoire.
Pessa’h Cacher Vesamea’h